Les Chroniques de Bátor 2: Chez Szilard

Alors que la neige n’était pas encore installée, Ferenc est revenu me chercher. Je savais qu’il allait venir et quand András m’a amené dans le pré autour de la ferme, je me suis douté de quelque chose…
Depuis que Ferenc est entré dans ma vie, plus personne d’autres ne me monte. Tant mieux, car l’été passé, des dizaines et des dizaines d’enfants me grimpaient dessus au quotidien et faisaient un peu n’importe quoi. J’ai beau être patient et gentil, je commençais à en avoir marre!
Dès qu’il est arrivé, nous sommes allés chercher du matériel et en route. Tout le monde marchait pour commencer. Il a bien fait, car comme je ne l’avais pas vu depuis longtemps, je pense que je lui en aurais fait voir de toutes les couleurs s’il avait commencé tout de suite par me sauter dessus.
Nous avons traversé plusieurs petites villes avec ces monstres hurlant et puant qui ne quittent heureusement pas ces pistes grises. Quelle surprise de retrouver Szilard! je l’avais presque oublié: l’un des premiers bipèdes à m’avoir appris le métier .

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Szilard et Pongo

Nous avons passé plus d’une lune dans sa ferme, avec des chevaux que je ne connaissais pas, mais plutôt sympathiques. Chacun avait son foin et tout allait donc bien. Les pauvres restaient souvent sans bouger, alors que moi, avec Ferenc, on s’amusait bien. Le matin, nous faisions des exercices avec des cordes, des obstacles, à terre, ou avec lui sur mon dos. Pas à dire, il a fait de sacrés progrès depuis la première fois!

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Le terrain d’entraînement

L’après-midi, nous sortions faire des promenades, en général seulement Ferenc et moi. Il n’est pas facile à traiter ce Ferenc. Dès que nous étions seuls dehors, je comptais bien profiter de son manque d’expérience pour m’amuser un peu, mais il ne me laissait pas faire. Si je ne lui obéissais pas, il me faisait tourner en rond pendant un moment et, à force, j’ai accepté d’aller où il voulait.
D’autres fois, nous partions à plusieurs. J’avoue détester devoir rester derrière les autres. Je ne m’appelle pas Bátor (le valeureux en hongrois) pour rien ! Et là, je dois dire que le Ferenc me plaisait bien: il est un peu comme moi et n’aime pas trop rester dans les rangs derrière. Dès qu’un galop était lancé, nous passions devant tout le monde. Et Ferenc se faisait ensuite engueuler par les autres cavaliers qui avaient toutes les peines du monde à retenir leurs chevaux. Jamais il ne m’a rien dit parce que je les dépassais, au contraire, il avait l’air d’aimer ça…
À ce rythme, nous avons passé un bon bout de l’hiver ensemble. Puis il m’a ramené chez András.
En me quittant, il m’a expliqué que l’été prochain, au lieu de subir ces hordes de gamins hurlant, nous partirions ensemble rendre visite à la famille: maman et une de mes sœurs qui vivent à l’Est de la Transylvanie.
Le temps a passé, la neige a fondu, l’herbe a poussé, les grandes chaleurs sont arrivées et il n’est toujours pas là. Mais je pense qu’il ne va pas tarder…

Chroniques de Bátor 1: rencontre d’un nouveau cavalier

L’automne passé, alors que je broutais avec mes semblables; j’ai vu András arriver, accompagné d’un bipède près de deux fois plus grand que lui, avec de longs cheveux et une barbe tirant sur le roux. Cela fait des lunes et des lunes que personne n’était venu me chercher, aussi j’ai commencé par les faire courir un peu. Mais je connais bien András, et je me suis laissé approcher.
Dès que la bride était installée, le grand l’a prise en main et m’a emmené faire un petit tour en courant. Nous sommes allés vers la ferme et avons passé plusieurs jours à faire des balades dans le grand pré autour des bâtiments. Chaque fois que je voulais aller plus vite, le barbu m’en empêchait. J’ai rapidement compris pourquoi: il ne ne savait pas comment rester sur mon dos en cas d’accélération et risquait de tomber par terre.
Nous avons passé de longs moments ensemble. Il m’emmenait brouter de l’herbe bien verte et me jouait de la flûte ou me chantait des chansons. Puis, il est parti quelques semaines pour revenir un peu plus aguerri. Il tenait beaucoup mieux son assiette et pouvait tenir un trot peu rapide.
Il m’a dit s’appeler Ferenc. Il doit revenir cet hiver…

La jeunesse de Bátor

Je suis un kunfakó, né dans la grande plaine hongroise, au milieu de mon troupeau de cinquante autres chevaux.

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Une petite partie de mon troupeau

Nous sommes nés librement dans de grands pâturages. Nous y vivons été, comme hiver, tout le temps dehors, pas comme les vaches qui sont périodiquement enfermées.
Moi, Bátor, déteste être entre quatre murs. Me mettre à l’abri du vent et de la pluie, volontiers, mais je tiens absolument à pouvoir sortir quand je veux.
Pour manger, l’herbe de nos prés suffit amplement, nous avons de l’eau à plusieurs endroits. Lorsque la neige recouvre le sol, nous avons des bipèdes qui nous amènent du foin, le matin et le soir.
Mes toutes premières années, je les ai passées à courir dans les prés avec ma harde, à faire le fou avec les miens. Les bipèdes passaient de temps en temps pour prendre l’un ou l’autre d’entre nous, lui montaient sur le dos, et le ramenaient ensuite.
Mon tour finit par arriver. Plutôt rigolo ces bipèdes, on tourne dans tous les sens, on se court après, on s’arrête brusquement. J’ai même appris à reculer ! Les premiers temps, personne ne me montait sur le dos. Très bien. Je n’y tenais pas vraiment. Mais un jour, András m’a grimpé dessus et expliqué comment faire. Passés les premiers moments surprenants, et donc désagréables, la sensation est plutôt enrichissante.

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András et le « petit » pâturage

Jour après jour, nous nous sommes entraînés, puis nous sommes partis pour un long voyage vers la Transylvanie, près de deux milles kilomètres aller-retour. Un vrai plaisir que de bouger au quotidien, découvrir des nouveaux horizons. Mais maintenant, je suis de retour dans mes prés habituels.

Les Chroniques de Bátor 0

Ça vient, ça vient…

Pour l’instant, regardez juste à droite, sous pages: il y une introduction aux Chroniques, ainsi que deux coupures de presse, avec des photos de Bátor !!!

Introduction

Plus que quelques jours avant le départ pour les retrouvailles avec Bátor, le valeureux. Je suis impatient de le retrouver et me demande des fois s’il se rappelle de ce barbu qui lui a fait faire toutes ces balades hivernales. En tout cas, il faudra le ré-apprivoiser, après 5 mois de liberté totale dans des pâturages de plusieurs dizaines d’hectares, en troupeau avec une cinquantaine de ses congénères.
Je suis très honoré de m’atteler à la noble tâche de vous conter les hauts faits de Bátor le valeureux. En tant que chroniqueur, je vais tâcher de recenser fidèlement ses exploits, de vous faire voir ce voyage par ses yeux. Par la même occasion vous aurez aussi de temps en temps des nouvelles de son cavalier, vu par l’œil de sa monture…
Dès les lettres suivantes, le « je » sera donc Bátor, et non François, Ferenc. Au fil du temps, on risque de bien rigoler à voir l’anthropomorphisation des pensées du cheval, et l’équinisation du comportement humain!

Le projet de base était de partir pour la Turquie, depuis la Hongrie.

Mes notions d’équitations laissant à désirer, je me suis tourné vers la Hongrie où, grâce à l’aide d’une amie hongroise dont la maman gère la rédaction de magazines équestres, j’ai pu trouver le cheval que je cherchais: petit, endurant, robuste et de bon caractère. En plus, il est jeune, 6 ans, et a déjà voyagé jusqu’en Transylvanie et retour, soit près de 2 000 kilomètres.
Le premier séjour de 6 semaines, en automne 2012, m’a permis de faire sa connaissance et de passer quelques jours en sa compagnie. Mais très vite, je l’ai laissé pour aller apprendre les bases de l’équitation dans une autre ferme, avec un autre cheval, histoire que Bátor n’ait pas à endurer mes errements de néophyte. Une à deux heures de travail au sol et de monte à la longe le matin, suivre les sessions de dressage que pratiquait Szilard, l’après-midi. Ainsi, grâce aux conseils avisés de Szilard, j’ai pu apprendre les bases nécessaires, autant pour monter à cheval, que pour lui enseigner de nouvelles choses, que les soins à lui apporter, la manière de seller, de brosser, de curer les sabots, de caresser et vérifier les muscles en même temps, son alimentation, ce qu’il boit…

Après les fêtes de Noël en famille, retour en Hongrie pour une deuxième session d’apprentissage.
Cette fois, le but est de faire connaissance plus rapprochée avec Bátor. Dès le premier jour, une balade de vingt kilomètres pour passer de la ferme où vit habituellement Bátor à celle de Szilard, où nous continuons notre entraînement quotidien au dressage à et la monte. Avec une différence de taille: maintenant que Bátor est là, je peux aussi monter l’après-midi ! Du coup, on joue le matin dans le corral, et, l’après-midi, on sort se promener, que les deux, ou avec d’autres.
A ce régime, les habitudes s’installent dans le corps et lorsque je ramène Bátor à sa ferme après 5 semaines, je sens ses écarts latéraux et épouse ses bonds sans faire exprès! Grande victoire, car ces écarts, lors de nos premières sorties à deux, m’avaient souvent mis dans des états de déséquilibre proche de la chute…

Le projet de base était donc de partir pour la Turquie à travers Roumanie et Bulgarie. Mais après avoir contacté les autorités turques, elles m’ont interdit d’entrer chez eux à cheval.
Aussi, le voyage se transforme quelque peu. Toujours la Transylvanie pour commencer, où je suis invité à un mariage le 17 juillet, à quelques 500 kilomètres du point de départ. Nous allons tâcher de nous joindre à la fête, mais sans forcer. Le but est de préserver nos forces pour une longue randonnée, et non de se précipiter au début. Ensuite, Bátor vous tiendra au courant de nos décisions, via son chroniqueur attitré !