Chroniques de Bátor 16: Une nouvelle harde

Maintenant que les fers sont enlevés, je peux aller rejoindre les autres chevaux. Tant que j’étais armé de mes sabots métalliques, personne ne voulait me laisser entrer en communication avec les autres chevaux. Ils savaient bien que je blesserais le dominant qui essayerait de m’imposer sa loi.
Maintenant, me voilà dans un grand pré dont je ne connais pas les limites, avec une dizaine de chevaux qui m’entourent et me reniflent. Mais ce n’est pas ma harde !

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Un grand brun me chasse. Je pars au galop, tout en lui balançant quelques ruades, histoire de lui montrer de quel bois je me chauffe. Je comprends que je suis nouveau, aussi je ne m’impose pas et reste à distance. Mais je me rapproche imperceptiblement pour profiter de leur compagnie. A chaque fois, le brun me fonce dessus, suivi en général d’une jument pie qui s’interpose et me protège.

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Je ne cherche pas la confrontation et garde mes distances. Je ne risque rien. Le grand brun est vieux, un peu lent. Je le sème sans problème, et le parc est assez grand pour tout le monde. D’ici quelques semaines je ferai partie de la harde !

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Me voilà satisfait de mon sort et je broute tout ce que je peux pour me faire une couche de graisse hivernale. Mon poil commence à pousser. Ferenc m’a fait ses adieux pour l’instant. Il a de nouveau disparu. Mais je commence à avoir l’habitude. Il fait toujours ça et finit quand même par réapparaître !

Chroniques de Bátor 15: Plus de fers

Ce matin, nous descendons de nouveau dans le village. Je retrouve cet enclos que je n’aime guère, sans herbe, et regrette bien vite mon pâturage d’en haut. Arrive un colossal bipède, deux fois large comme Ferenc. Je suis sorti et Ferenc me tient pendant que le colosse m’observe les pattes et commence à trafiquer mes fers. Mais il ne sait pas ce qu’il fait ! Je suis resté calme un bon moment. Mais finalement, je commence à en avoir marre et ne me laisse plus faire. Il a beau être d’une force herculéenne, il ne me tiendra pas la patte si je ne veux pas. Mais le colosse insiste jusqu’à ce que Ferenc s’interpose et mette fin à cet essai raté.
Nous remontons dans la montagne et je retrouve mon cher pâturage pour couler quelques jours de tranquillité avec des tours avec Ferenc.

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Puis nous redescendons trouver un nouveau forgeron, tout petit, mais qui connaît bien son travail. En moins de temps qu’il n’en faut pour vider un boisseau d’avoine, j’ai des sabots tout propres, sans fer.
Je n’ai plus l’habitude, et cela me fait un peu mal de poser le sabot sur les cailloux et les graviers. Et lorsque je pose la patte, j’oublie toujours que le fer n’est plus là. Il me faut quelques jours pour m’y habituer.

Chroniques de Bátor 14: Vive la montagne

Je passe deux jours dans cet enclos, à faire des ballades avec Ferenc. Il monte à cru, sans selle. Avant de monter, il joue avec moi, comme on le faisait au début. Cela faisait longtemps qu’on n’avait plus fait ça. La région est très jolie, de l’herbe verdoyante partout, sauf dans l’enclos où je suis remisé quand nous ne nous promenons pas.
Heureusement, je n’y reste pas longtemps. Nous montons un peu plus haut dans la montagne, pour arriver dans une petite ferme avec des chèvres, des vaches et des chevaux. Quelques chèvres sont déplacées d’un parc où je peux brouter tout à mon aise. Cela faisait longtemps que je n’avais pas autant eu à manger !

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Ferenc vient tous les jours pour faire des ballades dans les environs, toujours à cru. Les autres chevaux ne sont pas loin, mais inaccessibles, dans un autre pâturage à quelques centaines de mètres.

Chroniques de Bátor 13: Encore un van

Un matin, dans une clairière, au lieu de partir comme à l’accoutumée, nous ne bougeons pas. Ferenc fait un grand feu sous la pluie et me laisse brouter librement pendant un toute la matinée. Dans l’après-midi, il m’attache de nouveau. Il pleut sans s’arrêter. Je suis trempé comme une soupe, Ferenc aussi. Je le rejoint vers le feu où nous passons un moment à nous sécher entre les averses. A chaque accalmie, Ferenc range peu à peu le matériel, essayant de le faire sécher.

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Je sens que le départ s’approche finalement: toutes les affaires sont empaquetées et appuyées à un tronc d’arbre. Ferenc me libère pour me laisser brouter, juste avec une courte longe. Il me garde d’un œil, tout en s’occupant de son feu. Il a faim lui aussi et se prépare quelque chose à brouter. Son attention sur moi se relâche, bientôt, il ne pense plus qu’à sa pitance. Pas le moindre regard dans ma direction. J’en profite pour m’éclipser discrètement en direction d’un coin d’herbe entraperçu la veille. Ici, il n’y a plus rien d’intéressant à brouter.
Ni vu, ni connu, je remonte la route en évitant les quelques bolides qui y passent. A peine arrivé à l’entrée du village, je commence à brouter de l’herbe bien grasse. Mais cela ne dure pas longtemps. Un homme vient prendre la corde et m’attache à la barrière. L’herbe est toute proche, mais impossible d’en profiter !
Deux déguisés en bleu, avec des casquettes arrivent et me regardent sous toute les coutures. Ferenc nous rejoint peu après, discutent un moment avec les porteurs de casquettes avant de me ramener dans la clairière. Il me selle et arrime le paquetage. Nous retournons au coin d’herbe au début du village où je peux enfin brouter.
La séance de pâture s’interrompt avec un van dans lequel je dois monter. Je commence à avoir l’habitude et je ne me fais pas prier pour y entrer. Le voyage ne dure pas trop longtemps, et me voilà de nouveau sur la terre ferme, dans un enclos où ont passé pas mal de chevaux et de vaches avant moi. Il n’y a presque plus rien à brouter et il continue à pleuvoir. Heureusement, je reçois du foin.

Chroniques de Bátor 12: De l’herbe verte

Dès le matin venu, nous nous remettons en route, avec une différence de taille. Ferenc ne me monte plus dessus. Il faut dire que ça grimpe sans cesse. Jamais encore je n’ai vu autant d’herbe à la fois, et aussi verte. Après avoir gravi la montagne une demi-journée, nous arrivons sur un replat. Nous quittons la route principale pour aller faire une pause où je peux manger à satiété.

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Quand nous repartons l’après-midi, nous restons sur des routes tout le temps, avec peu de bolides. Nous redescendons lentement vers la plaine et passons la nuit au bord d’une haie avec une herbe abondante. Le ciel est gris foncé, plein de nuages qui ne déversent pas une goutte.
Ferenc n’a pas l’air dans son assiette. Il continue à marcher devant ou à côté, sans plus monter, même au plat. Les bolides se font de plus en plus nombreux. Je préférais avant. L’herbe était peut-être moins verte, mais il y avait plus de tranquillité, et des chemins en terre ou en sable !

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Nous continuons quelques jours et quelques nuits comme cela, mais je sens que Ferenc n’est pas content. Il n’est pas là et semble toujours penser à autre chose…

Chroniques de Bátor 11: La vie en box est finie

Enfin de retour. Voilà bien des jours et des nuits que je suis enfermé entre 4 murs, à sortir parfois, toujours trop peu de temps, pas d’herbe à brouter.

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Bon, j’admets, ce n’est pas si mal, il y a de l’avoine et du foin, de l’eau, de la compagnie dans les box attenants. Je suis tranquille et bien protégé, pas besoin de faire le guet pour voir si un prédateur pointe le bout de sa mâchoire. Mais quand même, rien de tel qu’un vert pâturage.

Quand Ferenc est revenu, j’ai eu droit à une séance de manucure. Et j’avoue que j’ai été un peu insupportable avec cet homme qui me manipulait les sabots. Mais bon! On m’abandonne pendant des plombes et, après, on veut que je me laisse faire comme si de rien n’était.

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Le résultat est que l’on m’a remis les mêmes fers après m’avoir taillé les sabots. Et que le forgeron a perdu un peu de sang quand j’ai retiré un peu prestement mon sabot avec des clous encore enfoncés.

Il semble que l’on va repartir pour de nouvelles aventures. Mais les temps changent: je dois de nouveau monter dans un van pendant un temps qui me semble interminable. Finalement, nous sortons en pleine nuit dans une montagne inconnue et humide. Ça fait du bien de poser ses sabots dans de l’herbe, même mouillée. Je passe la nuit, attaché court, à manger le reste de la luzerne que l’on m’avait donnée pour le voyage.

Demain, on repart pour traverser quelques montagnes, direction Tchéquie.

Intermède

Plus de nouvelles de Bátor, ni de son cavalier depuis un petit bout de temps…

Le décès de mon grand-père maternel, qu’il repose en paix, m’a fait rentrer en Belgique pour les funérailles. Impossible pour moi de rester en dehors du deuil familial, moment de partage et de communion qui nous a permis de l’accompagner pour son dernier voyage.

Bátor est donc resté dans le centre équestre de Scorillo, à Curteni, près de Târgu Mureș et de son aéroport international.

Après près de deux semaines d’absence, je reviens en Roumanie. Demain, nous nous remettons en route, pour la frontière tchèque, avec un coup d’accélérateur moderne. Les contingences de l’existence raccourcissent un peu ce voyage que j’avais imaginé plus long. Nous allons faire près de 800 km en van demain. Resteront entre 5 et 600 km pour arriver chez Michal, à la frontière tchéco-polonaise.

Dès la prochaine connexion Internet, Bátor continuera son récit.

Merci à ceux qui prennent le temps de le lire !