Depuis que Ferenc m’a récupéré sur la digue, nous avons bien avancé. Après la pause de mi-journée, nous sommes repartis et avons continué jusque tard dans la nuit. Encore une fois, les moustiques m’ont dévoré sans discontinuer; mais, cette fois-ci, impossible de s’échapper: Ferenc avait serré le nœud de mon licol…
A l’aube, nous repartons et arrivons le soir dans une petite ville où nous faisons une journée de pause.

La journée, j’ai un grand terrain où brouter; la nuit, je suis attaché à un arbre. Beaucoup de gens passent dans cet endroit: des groupes de jeunes, des adultes, seuls ou en bandes. Ils sont tous surpris de me voir là. Il semble que ce que les bipèdes appellent camping n’a pas l’habitude de recevoir des chevaux.
Malgré l’agitation nocturne, je passe deux bonnes nuits; Ferenc disparaît pour dormir je ne sais où. De temps en temps, j’entends sa voix qui m’appelle ou remet à l’ordre des visiteurs indésirables, mais je ne le vois pas. Enfin, il est tout proche et veille sur moi.
Après ce repos, nous repartons et, pour la première fois depuis le début du voyage: la pluie. Je fais demi-tour, mais Ferenc ne l’entend pas de cette oreille. Malgré les gouttes énormes et le vent, nous trottons le long du Körös
Bientôt, nous le traversons et changeons de direction.
La journée la plus désagréable depuis le départ: nous ne sommes plus sur des chemins de terre ou de sable, mais sur du macadam avec bolides puants qui passent à nos côtés. Ferenc est imperturbable: nous trottons sur le bas-côté de la route et faisons ainsi une longue marche, entrecoupée de petites pauses où je peux brouter un peu de luzerne.
Après une interminable ligne droite, heureusement désertée, nous arrivons à un passage avec des bipèdes étrangement vêtus. Ferenc leur montre des papiers. Tout le monde rigole beaucoup, sauf moi qui n’ai rien à brouter !
Heureusement, cela ne dure pas et nous faisons une pause luzerne peu après.
Nous repartons ensuite pour une longue ligne droite et arrivons à Salonta, notre première ville roumaine. Déjà plus de 50 kilomètres dans les sabots et voilà qu’il faut traverser cet amas de maisons grouillant de bipèdes excités, des bolides partout. Ça pue, ça fait du bruit. Là, j’en ai franchement ras-le-bol. Et pour couronner le tout, on se retrouve sur la plus grande route que j’ai vue depuis le début, avec des monstres énormes, beaucoup, mais alors beaucoup plus grands que moi. Ils passent à côté de nous en rugissant.
Je ne sais comment Ferenc fait pour garder son calme. A chaque rugissement, je fais un écart sur le côté, certain que cette fois-ci le monstre va me mordre. Mais non.
Heureusement, le calvaire finit par toucher à sa fin. La route n’est pas loin, mais au moins, le paquetage est enlevé, je suis à la corde, de l’herbe fraîche à brouter!



